Joao Duarte | I'm not a fool, you are !

C'est assez facile de se souvenir du pire événement de ton enfance, le départ du Brésil. Toi qui avait trouvé un équilibre à l'école avec des amis, une famille aimante, voilà que tout a basculé en montant dans un avion avec pour direction un pays inconnu, tu n'avais que quatre ans et pourtant cette vision du sol brésilien qui s'éloigne, tu ne pourras l'effacer de ta mémoire. Paradoxalement le meilleur souvenir, c'est celui de ton arrivée à New-York, toutes ces grandes tours, cette lumière partout et le visage rayonnant de tes parents. Deux souvenirs qui s'entrechoquent, aux antipodes l'un de l'autre, mais qui ne pourront jamais être oublié par l'homme que tu es devenu.


Au début entre la barrière de la langue et le mal tu pays, tu étais un élève assez médiocre. Tu as du prendre beaucoup de cours du soir pour t'en sortir ne serait-ce qu'en anglais. Tes parents étant bien conscients des difficultés que tu éprouverais dans un système scolaire différent, ils n'ont pas perdus de temps pour que tu aies des professeurs d'anglais à domicile. Dire que tu ne leur a pas mené la vie dure serait un vrai mensonge. Mais au fil des mois, tu as commencé à faire des progrets, à faire en sorte de réussir pour ne pas rester sur la touche, ne pas être regardé comme un animal de foire par tes camarades. Même si tu bougeais d'un Etat à l'autre assez régulièrement, tu voulais montrer à tes parents, tes professeurs et tes camarades de classe, qu'on peut très bien réussir tout en étant d'un endroit totalement différent. Une fois l'anglais maitrisé, tu es devenu un élève que l'on remarque, celui qui aime participer en classe, qui ne rend jamais un devoir en retard, qui s'applique toujours pour donner le meilleur de lui-même. Tous les cours particuliers, les longues soirées à apprendre cette langue étrangère, tout ça a fini par payer.


Le premier job ? Une catastrophe ! Tu devais avoir seize ou dix-sept ans et il fallait bien travailler pour tenter de s'émanciper. Alors tu as pris le premier boulot que tu as trouvé dans les petites annonces: logisiticien. Pas d'expérience exigée, tout ce qu'on te demandais c'était de réceptionner les commandes dans un entrepot et de bien les ranger par rayon. Pour ça aucun problème, le job tu as bien compris ce qu'il fallait faire. La pratique c'était tout autre chose. Si bien que le premier mois d'été n'a pas vraiment été des plus sympa pour toi. Première réception de commande et c'est le drame, tout un stock d'ustensils de cuisine sur le sol en béton, un patron pas content, toi au bord de l'implosion d'avoir été aussi nul. Bref pour tes collègues de boulot et ton responsable, tu n'es qu'un bon à rien et toi tu n'as qu'une envie rendre ton tablier. Heureusement pour toi tu es un bosseur et tu veux toujours prouver que tu peux faire ce qu'on te demande et surtout bien le faire. Le reste de l'été c'est bien déroulé, mais une chose est sûre, ce n'est pas le métier de tes rêves.


Les premiers amours en général ils font mal. Tu ne fais pas exception. Tu venais de quitter le foyer familial pour partir faire tes études. Tu as commencé à rencontrer des gens sur le campus, tu t'es fait des amis, tu es sorti et tu as fini par rencontrer ce jeune homme. Il représente tout ce que tu cherches, le type charmant, courtois, un sourire ravageur, bref le gendre idéal. Vous vous voyez une première fois en ville, les choses se faisant, une deuxième, une troisième fois. Il devient aux yeux de tes amis et des siens: ton petit ami, ton premier. Tu es encore un peu timide, c'est la première fois que tu passes le cap. Tout ce passe pour le mieux, restaurant à deux, cinéma à deux, soirée à la belle étoile à parler de tout et de rien. Quatre beaux mois qui semblent annoncer une belle relation. Vous passez le cap fatidique de vous voir chez l'un ou chez l'autre et puis vous faites ce qu'un couple amoureux peu faire. C'est ta première fois, certes ce n'est pas parfait, mais tu passe un beau moment. Tu passes la nuit chez lui. Un petit déjeuner à deux avant de partir en cours et c'est le vide... Plus de son et plus d'image. Que sait-il passé pour que ce garçon décide de ne plus donner de nouvelles ? Pas de réponse à tes appels ou tes textos, ses amis finissent par ne plus te parler... Une histoire d'amour qui démarrait bien et fini dans l'incompréhension la plus totale pour toi. A vrai dire ta seule histoire d'amour. Depuis tu as du mal à faire confiance, tu as essayé, mais cet abandon dont tu as été la victime semble avoir créé un véritable blocage chez toi.


Quand on est chez papa et maman, on a tendance à vivre comme un pacha : on ne bosse pas, on ne fait pas la cuisine, on ne s'occupe pas des facture, on ne s'occupe pas de la propreté de son chez soit. Et puis tu deviens adulte, tu prends ton indépendance et tu te rends compte que les choses ne se font pas seules. Pour toi devenir adulte ça a été signe de vivre seul (un peu trop seul à ton goût au début)  . La chose la plus difficile en devenant adulte finalement c'est peut-être le fait de devenir adulte, de laisser toute l'insouciance de l'enfant au pas de la porte de la maison familiale et de ne pas se retourner. Plonger dans l'inconnu que représente la vie d'une personne mature et autonome alors que la veille tu étais encore le petit bébé de ta maman et que maintenant tu ne la verras qu'à travers l'écran de ton téléphone lors de session facetime qui finiront par s'espacer avec le temps.


La famille est la pierre angulaire de ta vie. Malgré ou plutôt parce que tu es fils unique, tes parents comptent plus que tout. Tu sais et tu comprends que beaucoup autour de toi ne comprennent pas forcément ce lien si particulier que tu as avec ta famille. Peut-être est-ce lié au fait que vous vous êtes jetés à trois dans l'inconnu en quittant votre pays d'origine pour migrer aux Etats-Unis, peut-être est-ce le fait que vous ne faisiez que changer d'endroits et que le seul repère qui était votre, c'était les autres membres de la famille ? Une chose est sûre, même si aujourd'hui tu ne vois plus ta famille autant que tu le souhaiterais, tu ne manque jamais de leur donner des nouvelles, d'envoyer un petit message à ta mère, de les appeler quand vous en avez le temps. Tu sais qu'ils ne viendront pas te rendre visite, mais quand tu en as l'occasion tu quittes le calme du Montana pour les rejoindre en Californie.


Une vie n'est jamais parfaite, elle n'est jamais aussi excitante qu'on le souhaiterait ! Pour toi c'est exactement ce qui s'est passé. La Californie, le soleil une grande partie de l'année, l'activité de ta clinique, tout était bien, mais il y a des choses qui ne s'expliquent pas, comme le fait de tout envoyer balader, de changer totalement de coin. C'est ce qui s'est produit quand tu as décidé de fermer boutique, de rendre ton petit appartement douillet et que tu as suivi ton destin (ouais l'interstate quoi). La vie est souvent trop courte pour qu'on ne suive pas ses envies, elle n'est jamais assez longue pour faire tout ce dont on a envie. Alors pourquoi passer sa vie à réfléchir sur ce qu'il est possible ou pas de faire. Tu es le genre d'homme qui se dit que tout est possible, tant que l'on essaie pas. Tu vas tenter de reconstruire une nouvelle vie dans un nouvel Etat et faire de nouvelles rencontres. Tu verras bien si le choix de venir à Garnet était le bon ou si tu devras rebrousser chemin pour retrouver ta Californie.


Tu es du genre assez bavard et en une seule soirée autour d'un verre, tu es capable de tout dire sur toi. Alors trouver quelque chose que peu de gens savent c'est assez compliqué. Il y a bien une chose, mais elle ne sera plus si secrète après l'avoir couchée sur le papier. Tu as tendance à toujours dire que tu es fils unique, que tu es la fierté de tes parents. En réalité ce mensonge cache une tragédie dont on ne parle pas chez les Duarte. Aujourd'hui tu devrais être un grand frère heureux, un exemple pour cette petite fille qui est née quatre ans après toi et pourtant ce n'est pas le cas. Au fond de toi tu restes un grand-frère, mais pas besoin d'être un modèle pour cette petite ange, d'où elle te regarde elle est sûrement fière de l'homme que tu es devenu, mais comment penser à ça alors que tu te sens responsable de son départ ? A tord bien entendu, cet événement tragique c'est la faute à pas de chance, le malheur qui frappe sans qu'on s'y attende. Quoi qu'il en soit personne ou presque n'est au courant que tu as assisté au décès de ta petite soeur, sans rien pouvoir faire pour l'aider. C'est une chose dont tu ne parleras pas, une chose que tu as enfoui au plus profond de ton être, une chose qui ne doit pas refaire surface, au risque de te mettre dans le plus mauvais des états.


Pour tout avouer tu es venu à Garnet pour le challenge, celui de construire quelque chose à toi ! Tu as entendu parlé de ce village par une vague connaissance et forcément ça a piqué ta curiosité. Sans trop réfléchir, tu as pris ce que tu estime être l'essentiel et tu as pris la route pour venir ici. Ton seul but, ouvrir une clinique vétérinaire et faire ce que tu aimes le plus, t'occuper des animaux de compagnie ou sauvages qui te sont amenés. Tu ne cherches pas la grande vie, juste d'être heureux dans la simplicité. Ce projet de vie semble totalement coller avec l'homme que tu es et tu espère réellement que ce sera une belle réussite pour toi. Tu n'es arrivé ici que depuis quelques semaines, mais tu sens que l'atmosphère est bonne et que tu vas pouvoir accomplir tout un tas de choses ici.